
Déclaration de programmation
Le mandat de Cinema Politica (CP) est axé sur le soutien et la promotion de films et de vidéos indépendants à caractère social, en mettant l'accent sur les œuvres d'artistes sous-représentés travaillant dans le pays actuellement appelé Canada. Le processus de sélection et les programmes qui en résultent correspondent au mandat global de l'organisation. En d'autres termes, les films que nous sélectionnons pour être projetés dans notre réseau (à travers le Canada et le monde) servent à défendre, explorer et intervenir dans les domaines de la politique progressiste, des politiques publiques, de l'esthétique radicale des images animées non fictionnelles et des mouvements de justice sociale.
La programmation et le processus de curation de Cinema Politica sont complexes et prennent du temps, car nous nous engageons à pratiquer ce que nous appelons « l'équité de l'écran », malgré le temps et le travail supplémentaires qu’un tel processus exige. Les films nous sont soumis tout au long de l'année, souvent à la suite de nos appels à soumissions (tant pour notre programmation générale que pour nos programmes parallèles, tels que Premiers Peuples, Premiers Écrans). Des films nous sont également suggérés par les antennes locales de CP, les communautés de cinéastes et d’activistes, ainsi que par les membres de notre comité de programmation (composé de programmateur·trice·s associé·e·s et de bénévoles). Les programmateur·trice·s, les membres du conseil d’administration et le personnel de soutien de CP mènent aussi des recherches et demandent des copies de visionnement de films jugés intéressants. Par « équité de l'écran », nous entendons une culture organisationnelle selon laquelle les films potentiels sont évalués non seulement en fonction de leur qualité de contenu, mais aussi selon la personne qui les a réalisés et la relation qu’elle entretient avec la communauté représentée. Nous croyons que cet engagement à privilégier les liens relationnels forts entre les artistes et les sujets représentés a permis d’élaborer une programmation solide et diversifiée, année après année, dans le réseau. Trois fois par an, CP réunit ses programmateur·trice·s principal·e·s (actuellement composé·e·s de Svetla Turnin, Ezra Winton et de la coordonnatrice de la programmation, Sarah Foulkes) ainsi que son comité de programmation bénévole (composé de cinéastes, de commissaires et de cinéphiles bénévoles), afin de discuter et de décider de la programmation saisonnière (automne, hiver et été). Lors de ces réunions, nous discutons et débattons de la « liste longue » de films potentiels ayant reçu une note élevée d’au moins un·e programmateur·trice principal·e et un·e programmateur·trice bénévole. Les films sont sélectionnés par consensus, et certains titres sont parfois transmis latéralement à des programmateur·trice·s communautaires pour consultation, notamment lorsqu’ils sont concerné·e·s directement par les enjeux abordés dans un film. Une fois les sélections faites à partir de la liste longue, une « liste courte » est envoyée aux antennes locales du réseau CP, qui indiquent si elles souhaitent ou non programmer certains films. Si un film de cette liste courte suscite un intérêt significatif parmi les antennes, il passe à l’étape suivante, où nous réalisons un « balayage de diversité ». À cette étape, nous examinons la diversité des cinéastes (ethnicité, classe sociale, pays d’origine), des enjeux (environnement, guerre, genre, sexualité, capacités, etc.) et du contexte du film (budget, expérience du·de la cinéaste, processus de production, luttes contre la censure ou les obstacles institutionnels, etc.). Nous contactons ensuite les ayants droit pour négocier les droits de projection publique, et la programmation finale est composée des films que CP peut se permettre financièrement (ceux qui respectent les barèmes suggérés par les conseils des arts et CARFAC au Canada). Les films qui ne sont pas retenus mais qui avaient obtenu de bonnes évaluations sont inscrits sur une liste secondaire, pour être réévalués lors du prochain cycle.
Cinéma Politique s'intéresse avant tout à soutenir les perspectives, les voix et les histoires sous-représentées. Voici un ensemble de lignes directrices et de critères généraux qui orientent notre processus de programmation, notre mandat, notre vision curatoriale et notre application. Il ne s'agit pas d'un ensemble de règles strictes ou dogmatiques : nos programmateurs gardent ces lignes directrices à l'esprit depuis les premières projections jusqu'au consensus sur la sélection lors des réunions de programmation.
Thème et politique
- Nous recherchons des films récents ou nouveaux traitant de justice sociale, d'autonomisation collective, de mobilisation communautaire, de critique structurelle ou systémique, de construction d'un monde alternatif et progressiste, d'exploration d'identités non hégémoniques, de vies sous-représentées, d'histoires politiques et alternatives.
- Nous sommes intéressés par les films qui traitent d'histoires, de personnes et de lieux canadiens, de résistance culturelle et de critiques des structures de pouvoir et d'oppression.
- Nous sommes particulièrement intéressés par les films traitant des personnes et communautés autochtones, LGBTQQPI2SA, BIPOC* et des femmes.
- Nous posons les questions suivantes : le film considéré se prête-t-il à la mobilisation sociale et à une utilisation communautaire ? Le film raconte-t-il des histoires engagées dans la sphère sociopolitique/culturelle d'une manière créative, captivante et imaginative ?
- Nous nous intéressons aux films vintage qui méritent d'être redécouverts, recontextualisés, revitalisés, restaurés et remis en circulation.
- Nous recherchons des films qui dénoncent et exposent la suprématie blanche, le racisme, le capacitisme, l'hétéronormativité, l'homonormativité, la misogynie, le patriarcat, le fascisme, le colonialisme et l'impérialisme frontalier.
Formulaire
- Nous privilégions les approches innovantes et non conventionnelles pour rendre compte de la vérité dans les documentaires.
- Nous cherchons à programmer des films accessibles, captivants et stimulants ou mobilisateurs.
- Nous sommes intéressés par les films qui citent des noms (d'auteurs d'abus, en particulier dans le monde des affaires) et prennent des risques ; qui se concentrent sur des études de cas concrets et spécifiques ; qui incluent des perspectives subjectives et locales, des expériences vécues et des témoignages.
- Nous programmons des films qui évitent le sensationnel, le rhétorique, le sentimental, l'autoglorification et l'approche ou le ton moralisateur.
- Nous sommes désireux de soutenir les innovations formelles, notamment l'hybridité et le mélange des genres.
- Nous nous posons les questions suivantes : le film envisagé contribuera-t-il à une expérience positive pour le public ? Sa forme risque-t-elle d'aliéner la communauté la plus touchée ou répondra-t-elle aux intérêts de cette communauté ? Nous recherchons une esthétique alliant beauté, plaisir et espièglerie, mais aussi sérieux et critique.
- Nous recherchons un équilibre entre l'expression de la créativité et la diffusion d'enquêtes et d'informations, c'est-à-dire, comme nous le disons, « entre un tableau et un pamphlet ».
Éthique
- Nous recherchons des films réalisés avec, par ou pour des communautés, plutôt que des films qui traitent uniquement de communautés.
- En soutenant le documentaire indépendant, nous recherchons des films dans lesquels le contrôle éditorial des cinéastes est négocié de manière justifiée en fonction du contexte de financement, et dans lesquels l'approbation éditoriale appropriée par les sujets du documentaire est un facteur pris en considération.
- Nous posons les questions suivantes : un film représentant (ou prétendant représenter) des sujets et/ou des communautés vulnérables profite-t-il à ces sujets et communautés ? Un film expose-t-il d'une manière ou d'une autre des sujets et/ou des communautés vulnérables à des risques sans leur consentement ? Les pratiques garantissant la confidentialité des sujets non consentants sont bien sûr privilégiées, mais selon nous, elles doivent être mises en balance avec d'autres objectifs éthiques et politiques.
- Nous privilégions la transparence et l'autoréflexivité derrière la caméra et à l'écran, par exemple en ce qui concerne la dramatisation ou la position du cinéaste.
- Nous cherchons à soutenir la réalisation de films fondés sur une politique progressiste et l'établissement de relations réciproques, où les hiérarchies traditionnelles asymétriques ne sont pas maintenues, mais plutôt remises en question et abolies grâce à des pratiques cinématographiques éthiques équitables, justes et équilibrées.